Les contes d'animaux
Colt, le kangourou volant
Depuis qu’il était tout petit, Colt le
kangourou rêvait de voler. Il passait des heures à admirer
les oiseaux dans le ciel, qui se laissaient planer, les ailes grandes
ouvertes.
-« J’aimerais tellement voler dans les airs, moi aussi,
sentir la liberté des mouvements, contempler les terres d’en
haut… »
Alors, il s’essaya à prendre son envol. Il s’entraîna
à faire des bonds, de plus en plus haut, de plus en plus loin.
Il courait d’abord à toute allure, puis sautait avec
ses deux pattes jointes sur un tremplin qui le propulsait dans le
ciel.
Le départ était réussi, mais ensuite la trajectoire
déclinait rapidement.
Colt avait beau agiter ses pattes en avant et en arrière, dans
tous les sens… Rien à faire, il retombait lourdement.
Et l’atterrissage était plutôt douloureux…
Il chutait irrésistiblement sur le sol, se faisant à
chaque fois de multiples contusions…
Pauvre Colt, sa passion lui faisait mal. Mais c’était
son rêve, il y tenait, il voulait y arriver…
Alors, il essaya d’autres techniques. Il s’accrocha des
planches sur les pattes de devant, bien plates qui, il l’espérait,
pourraient réussir à le maintenir dans le ciel.
Paré de son nouvel attirail, il s’élança.
Arrivé dans les airs, il bougea ses planches en cadence pour
prendre prise.
Mais sa tentative fut vaine. Non seulement, il ne se tint dans les
airs, pas davantage qu’un dixième de millième
de seconde de plus que les autres fois. Mais sa retombée fut
encore plus terrible, car les planches secouées se mirent à
lui tambouriner la tête de chaque côté.
Le constat était clair : ce n’était pas une réussite.
Pourtant, tout avait l’air si simple quand on regardait les
oiseaux faire.
Sans effort, ils s’élevaient dans le ciel, facilement
ils pouvaient y rester et s’y diriger.
Et, en plus, leur vol était tellement souple, gracieux, léger.
Rien à voir avec ces propulsions catapultées, balourdes,
sans aucune élégance.
Décidément, il n’y arriverait jamais. Un kangourou
ne pouvait pas voler. C’était ainsi, la loi de la nature.
Il aurait dû naître ailleurs.
Voilà, sa vraie âme était celle d’un oiseau,
pas celle d’un marsupial sans grâce. Il se regarda, consterné.
Et cette poche béante sur son ventre, quelle incongruité
! Machinalement, il se la tripota.
Surgit alors un coup de vent qui la gonfla, et fit perdre l’équilibre
au kangourou.
Alors, une idée géniale traversa l’esprit de Colt.
Oui, il allait voler, car il détenait l’idée du
siècle. Sa poche, c’était cela la solution !
Comment n’y avait-il pas pensé plus tôt ? C’était
évident : une poche comme ça, c’était une
aubaine pour voler ! Ça ferait un superbe parachute.
Alors, il révisa ses sauts. Car il lui fallait
prendre un maximum d’élan, pour aller le plus haut possible.
Ensuite, il fallait s’entraîner à se retourner,
à se mettre la tête en bas. Car alors, il pourrait déployer
sa poche et s’en servir comme d’un parachute.
Le cœur en joie, et sûr de son fait, il reprit ses entraînements.
Voilà, il y était presque. Le coup de rein au moment
crucial où le déclin s’amorçait, son retournement
et la poche qui s’ouvrait.
Et miracle ! Cela marcha ! Colt resta un long moment dans les airs,
en descendant doucement.
Après plusieurs essais, il réussit même à
tourner et à se diriger dans le ciel en gonflant plus ou moins
sa poche, et en s’aidant de ses pattes comme d’un gouvernail.
C’était génial ! Colt volait !
Certes, d’une drôle de façon, pas banale du tout,
et plutôt éloignée de celle des oiseaux, mais
il volait quand même, et pour un kangourou, c’était
plutôt inattendu ! Colt ne se lassa jamais d’effectuer
des vols dans le ciel, la tête en bas, les yeux grands ouverts,
sa poche bien tendue dans les airs, il goûtait cette liberté
dont il avait si souvent rêvé.
Et tant pis si les autres kangourous le considéraient comme
siphonné du ciboulot. Il était heureux…
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