Les contes de Noël
La retraite du père Noel
Le père Noël a envie de repos. Il quitte
la profession. Il faut lui trouver un remplaçant. Marie-Andrée
et Daniel Mativat ont écrit à quatre mains plusieurs
ouvrages pour les jeunes. Une de leurs spécialités est
d’utiliser des faits vécus, tels que la vraie épopée
d’un phoque échoué dans le port de Montréal
ou celle d’un astronaute russe oublié en orbite autour
de la Terre, pour les transformer en récits palpitants. Cette
fois-ci, ils ont laissé voguer leur imagination.
Après avoir distribué ses cadeaux aux enfants du monde
entier, le Père Noël rentre chez lui, au pôle Nord.
- Je suis épuisé ! soupire-t-il, en se laissant tomber
dans son fauteuil. Décidément, je crois que je suis
trop vieux pour ce métier. Les longues balades en traîneau
au beau milieu de la nuit, les atterrissages sur les toits enneigés,
les plongeons dans les cheminées mal ramonées, tout
ça n’est plus de mon âge. Depuis le temps que je
fais ce métier, j’ai bien gagné le droit de me
reposer. Il serait peut-être temps que je songe à la
retraite.
C’est ainsi qu’un jour de décembre, les journaux
du monde entier publient cette petite annonce :
Opportunité exceptionnelle !
Fabrique de jouets de réputation internationale à vendre.
Personnel dynamique et fiable. Vaste clientèle.
Possibilités de voyager à travers le monde entier.
Conditions à discuter.
Écrivez à :
Monsieur Noël
Pôle Nord
Canada
Hoh hoh
L’avant-veille de Noël, un avion d’Air
Inuit se pose au pôle Nord. Un homme d’affaires descend
du petit appareil.
Le Père Noël l’accueille chaleureusement et l’invite
à prendre une tasse de thé.
- Je ne suis pas venu ici pour prendre le thé, bougonne le
nouveau venu. Pour moi, le temps c’est de l’argent. Je
n’ai donc pas une minute à perdre ! Conduisez-moi tout
de suite à la fabrique !
Rapidement, le Père Noël entraîne son visiteur
dans l’atelier de menuiserie. La pièce embaume le bois
fraîchement coupé.
Au milieu de la sciure et des copeaux, les lutins jouent du rabot
et du pinceau.
- Les lutins menuisiers n’ont pas meilleur pareil pour fabriquer
les skis et les traîneaux ! lance le Père Noël.
L’homme d’affaires fait la grimace :
- Je les remplacerai par des robots. Ils travaillent plus vite et
sont plus beaux.
Le Père Noël a bien du mal à cacher sa déception.
À l’écurie, l’industriel fait la moue :
- Ce traîneau, c’est un gros zéro et ces animaux
sont bons pour le zoo. Je ferai la tournée en motoneige volante.
Ça file plus vite et ça vole plus haut !
Malgré ces remarques désagréables, le Père
Noël s’efforce de garder son calme. Il prend une grande
respiration et entraîne son visiteur dans la maison. Là,
il lui tend fièrement son costume rouge et ses bottes fourrées
:
- Cette veste et ce pantalon ont été taillés
dans le meilleur lainage et vous tiendront bien au chaud !
Le bonhomme proteste aussitôt :
- Jamais je ne mettrai ces oripeaux sur mon dos. Ils sont démodés
et ils me grossiraient trop.
Tout ce que le Père Noël lui présente, l’homme
d’affaires le rejette avec dédain. Devant les milliers
de lettres venues des quatre coins du monde, l’industriel laisse
tomber :
- Dès que le contrat sera signé, je fermerai ce bureau
de poste. Fini le temps gaspillé à lire toutes ces missives
et à répondre à tout ce courrier. Terminé
le service personnalisé. Peu importe s’ils espèrent
une bicyclette, un ourson, un train électrique ou une poupée,
désormais les enfants devront se contenter de ce que je leur
offrirai.
Le Père Noël sent la moutarde lui monter au nez.
- En fin de compte, je crois que je vais tout démolir, ajoute
l’homme d’affaires, en désignant la maison, l’écurie
et l’atelier des joujoux. Je déménagerai à
Montréal ou à Toronto.
En entendant cela, le Père Noël frémit. Autour
de lui, ses lutins poussent des hauts cris. Sûr de lui, l’industriel
tire un document de sa serviette.
- Signez-ici !
Le Père Noël repousse fermement contrat et stylo et fronce
les sourcils.
- Et les enfants, demande-t-il, allez-vous au moins les prendre sur
vos genoux ?
- Vous êtes fou ! s’indigne l’homme en complet
gris. Je n’ai pas le temps... Et puis... je l’avoue, je
déteste les enfants. À ces mots, le Père Noël
devient plus rouge que sa tuque. Il saisit le triste sire par le fond
de son pantalon et le jette dehors sans ménagement.
- Bien fait ! Bravo ! applaudissent les lutins.
- Ouf ! Je me sens beaucoup mieux, déclare le Père
Noël. Je dirais même que je suis en pleine forme. Qu’on
m'enfile mes bottes ! qu’on attelle mes rennes ! Finalement,
je crois que ce n’est pas encore cette année que je prendrai
ma retraite.
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