Les contes de Noël
Un certain soir de Noël
Ce soir je marche à travers la ville, je n’ai
pas envie de rentrer chez moi. La maison sera vide. Personne ne m’y
attend. C’est Noël. Partout des guirlandes de lumières,
partout de la musique, partout des odeurs de restaurants et de pâtisseries
qui me donnent faim. Partout circule une foule bruyante et joyeuse.
Il ne fait pas trop froid. Il a neigé un peu. L’heure
de la messe approche. Les paroissiens arrivent petit à petit,
près de l’église. Les cloches carillonnent et
envoient dans l’air frais leurs notes de fêtes. On se
salue, on s’embrasse sur le parvis. Le portail grand ouvert
laisse entendre l’orgue jusque dans la rue. Moi, je suis seule.
Je ne rentrerai pas dans l’église. Il y
a trop de monde pour moi. Je vais continuer à marcher un peu.
Il y a plus loin un parc et, ce soir, il est désert. J’aime
cette solitude, ce calme. Je m’assois. Je suis bien. C’est
si beau ici. Des restes de neige brillent sur les sapins. La clarté
de la lune illumine tout. Les étoiles scintillent dans le ciel.
Un couple d’oies est là. Elles sont blotties l’une
contre l’autre, tache blanche sur le miroir de l’étang.
Le silence est si pur qu’on se croirait loin. Très loin.
Je respire, J’écoute, immobile.
Soudain, un craquement léger, là, derrière
moi, du côté de la haie. Je regarde. Mais non, rien,
une idée ... Je me retourne. Pourtant il me semble que ça
a bougé un peu et puis ce souffle, ce cri plaintif, ce gémissement.
Je me lève ... intriguée. J’imagine un bébé
abandonné.
Au fur et à mesure que je m’approche, la
chose se cache de plus en plus sous la haie. Peu à peu je distingue,
vaguement, une boule de poils à ras de terre, deux yeux effarés
: un petit chiot qui tremble.
Prudemment, doucement, je tends la main. Je le caresse.
On se regarde toutes les deux, la bête et moi, ne sachant laquelle
s’avancera.
Non ! pas un chiot mais un jeune chien, un simple corniaud,
là, attaché au pied du buisson, avec une ficelle. Quand
je le détache il lèche ma main, pauvre bête. Je
peste contre l’idiot, plus bête que la bête, qui
a osé accomplir cette lâcheté.
Je libère l’animal. Je m’attends à ce qu’il
s’enfuie ventre à terre. Mais non, il reste là,
aplati à mes pieds. Ses yeux expriment tant de détresse
que je craque. J’ai envie de pleurer. C’est idiot.
Je prends la route de chez moi. Il se lève. Sa
queue frétille. Il me suit. A côté, devant, derrière,
il ne me lâche pas. Alors, je me dis : c’est la Providence
qui m’envoie ce cadeau de Noël, et je le garde.
Je ne suis plus seule ce soir. C’est une bonne
petite bête intelligente et douce. Je décide de l’appeler
« Chrismas » et ça a l’air de lui convenir.
Lui a trouvé un refuge sûr et moi, j’ai
rompu avec ma solitude, ce soir, un certain soir de Noël.
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